Origine du patrimoine architectural Jérémien

La ville historique de Jérémie, dessinée pendant l’époque coloniale, s’est développée autour des activités commerçantes du mouillage de la basse-ville.

Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, la cité a subi une succession d’évènements dramatiques et dévastateurs : bombardements entre 1868 et 1869, puis en 1883, et incendies en 1876, 1884 et 1885.

Ainsi, à l’aube du XXe siècle, Jérémie, qui comptait plus de 5 000 habitants en ville, était en chantier. La croissance démographique et économique était forte. C’est alors que certaines maisons-entrepôts des familles de négociants, initialement en bois, furent reconstruites en maçonnerie, puis surélevées, en incluant des éléments de structure et des galeries en fer dès la fin XIXe siècle, puis en béton armé pendant l’occupation américaine.

 Inventaire du patrimoine peu avant des pertes irréparables sur les bâtiments en bois

Un inventaire des constructions historiques du centre-ville de Jérémie a été entrepris à partir de 2009 par deux architectes franco-martiniquais, alors qu’une belle exposition sur ce patrimoine remarquable était organisée par l’Ispan.

Cet héritage architectural était encore très complet et représentatif, lorsqu’une succession d’incendies, puis le cyclone Matthew de 2016, ont détruit la plupart des maisons en bois, créant un préjudice historique inestimable, dont témoignent les études détaillées finalisées en 2015.

Une nouvelle maison sinistrée par incompétence et imprudence graves

Les maisons en maçonnerie semblaient épargnées par les catastrophes, lorsque, le jeudi 3 août 2017, une tranchée réalisée sans précaution rue Destinville Martinaux, le long d’une maison construite en 1917, a entrainé la destruction de sa belle galerie à arcade maçonnée. La stabilité de la façade de l’étage et du balcon en fer forgé est désormais menacée.

Cette remarquable maison, située à l’angle de deux rues, a la particularité rare d’un étage à ossature métallique. Ses deux façades sont dotées d’un balcon filant métallique et même l’escalier intérieur est métallique.

La maison stupidement amputée de sa galerie est l’une des deux seules structures en « pans de fer » de la ville. Ce type d’ossature préfabriquée à remplissages de maçonnerie de briquettes a connu un essor dans la Caraïbe à la fin du XIXe siècle, car elle avait la réputation de résister aux tremblements de terre et aux incendies. En outre, elle permettait des murs résistants moins épais, donc plus légers, économes en matériaux et rapidement montés.

Un vestige historique qui doit être sauvé

Les ossatures métalliques, qui étaient préfabriquées en France ou en Belgique, puis expédiées par voie maritime, sont présentes en Haïti, bien qu’assez rares. On en trouve notamment à Jacmel suite au grand incendie de 1896. Elles sont plus nombreuses à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) et Fort-de-France (Martinique) suite à une politique volontaire qui suivit les séismes majeurs et les incendies dévastateurs du XIXe siècle.

Les échanges commerciaux et technologiques de Jérémie à cette époque ont pu inciter deux familles de négociants jérémiens à adopter cette modernité architecturale.

Cette technique a tristement pu démontrer sa résistance, cent ans après sa mise en œuvre rue Destinville Martinaux. En effet, le plancher métallique soutenant la façade de l’étage et constituant le balcon ne s’est pas effondré avec la galerie.

Il faut néanmoins procéder à un étaiement d’urgence car les matériaux subissant de nouvelles contraintes vont se déformer, puis à la reconstruction des arcades pour enrayer la « fatalité » des pertes de patrimoine historique qui affecte la cité des poètes en ce début de XXIe siècle.

N-B : Seules deux maisons construites en pans de fer sont présentes en ville, mais à la même époque plusieurs galeries préfabriquées en métal ont été adjointes à des maisons existantes.

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