Pendant que se poursuit sur le sol de la France révolutionnaire le débat autour de la déclaration des Droits de  l’Homme, l’appel à la liberté retentit partout à travers les plantations de Saint-Domingue. À l’issue d’une cérémonie secrète qui se tient dans la nuit du 14 au 15 août 1791, au lieu-dit Bois-Caïman, non loin du Cap-Français, des chefs esclaves rebelles déclenchent la semaine suivante un soulèvement général. La plaine sucrière du Cap est mise à sac,
les plantations incendiées, les habitations détruites et des centaines de planteurs tués. L’insurrection se généralise. L’histoire de Saint-Domingue prend un cours nouveau, dont les conséquences se manifestent au-delà des frontières.

Un ancien esclave, Toussaint Louverture, émerge de la tourmente et devient le chef suprême de la révolution de Saint-Domingue et du mouvement de libération des esclaves. Promu commandant en chef de l’armée de Saint-Domingue à la suite de la prise de Mirebalais sur les Anglais, Toussaint Louverture gravit de façon fulgurante les échelons de la hiérarchie militaire et parvient à assurer le poste de Gouverneur Général de Saint-Domingue, qu’il ne tarde pas à doter d’une constitution en 1801 qui émancipe celle-ci de la Métropole.

Général de division de l’Armée française, il entre en conflit avec Napoléon Bonaparte. Celui-ci dépêche vers Saint-Domingue une expédition militaire commandée par son propre beau-frère, le Capitaine-Général Leclerc, afin de rétablir l’Ordre colonial. Le corps expéditionnaire arrive à Saint-Domingue au mois de février 1802. Les fortifications côtières tombent les unes après les autres, L’Armée française contrôle pour un temps le territoire de Saint-Domingue. Capturé au cours d’une trêve, Toussaint Louverture est arrêté, déporté té en France puis incarcéré au Fort de Joux, le 20 août 1802, où il meurt le 7 avril 1803.

Après l’effacement de Toussaint de la scène politique, l’armée indigène se regroupe et reprend la lutte sous  l’autorité de Jean-Jacques Dessalines auquel se joignent Alexandre Pétion et Henry Christophe. Utilisant une stratégie voisine de la guérilla, évitant les batailles rangées, usant d’embuscades, de pièges et de leurres, se divisant en petites unités armées, intervenant de manière apparemment sauvage mais conservant un solide commandement central, l’armée indigène reconquiert progressivement le territoire. Les villes tombent les unes après les autres. L’armée française, acculée au Cap-Français, est vaincue le 18 novembre 1803 à la bataille de Vertières. Ses derniers contingents quittent pour toujours les rives de l’île le 30 novembre 1803.

Le 1er Janvier 1084, l’indépendance du territoire est proclamée aux Gonaïves. Depuis, cette terre porte le nom que lui avait donné les Taïnos, ses premiers habitants : Haïti.

Cette date marque une nouvelle orientation du concept de défense dans l’histoire du pays.

Autour de la stratégie  consistant à éloigner, en cas d’un retour en force des Français, toute la population de la côte, une série de mesures préparatoires à la guerre fut prise. La première Constitution du nouvel Etat, en effet, prescrit qu’ “au moindre signal d’alarme, les villes disparaissent et la Nation est debout”. Une nouvelle capitale – Marchand-Dessalines – est construite à l’intérieur des terres, en arrière de la vaste vallée de l’Artibonite, à l’habitation Laville, au pied des  montagnes des Cahos.

Jean-Jacques Dessalines, nommé au titre de Gouverneur-Géneral d’Haïti, fait publier une
ordonnance le 9 avril 1804, qui stipule que :
“Les généraux divisionnaires, commandant les
départements, ordonneront aux généraux de
brigade d’élever des fortifications au sommet
des plus hautes montagnes de l’intérieur, et
les généraux de brigade feront, de temps en
temps, des rapports sur les progrès de leurs
travaux”
. (signé) : DESSALINES

Dans le Nord, le général François Cappoix acheva dans la même année le fort Trois-Pavillons près de Port-de-Paix   et construisit le fort du Ralliement dans les mornes au-dessus du Môle-Saint-Nicolas. Le général Henry Christophe,  Commandant du département militaire du Nord, entreprit la construction du fort Rivière et du fort Neuf, au-dessus du bourg de la Grande-Rivière, du fort Dahomey au-dessus de Camp-Coq, près du Limbé, sur le pic de la Souffrière et le Fort des Bayonnais au-dessus d’Ennery et contôlant la Passe-Reine, du fort SansQuartier, du fort Brave, du fort Jalousière (dit le Redoutable ?) dans les mornes de Marmelade, de la citadelle La Ferrière (la Citadelle Henry) et de quatre redoutes sur le morne des Ramiers. Dans les hauteurs de Saint-Marc fut construit le fort Béké. Dans les Mattheux. Surplombant la plaine de l’Arcahaie, on plaça les forts Delpèche et Drouet. Dans l’Ouest, le général Alexandre Pétion fit exécuter les forts Jacques et Alexandre sur les hauteurs du Grand-Fond près de Port-au-Prince. Pour protéger la côte Nord de la presqu’île du Sud, le général Cangé plaça le fort Campan au-dessus de la ville de Léogane, et qui fût achevé par le général Yayou. Les militaires haïtiens placèrent également le fort Garit au-dessus du Petit-Goâve, le fort Desbois au-dessus de l’Anse-à-Veau et le fort Marfranc non loin de Jérémie. Surplombant les accès aux maquis du morne Macaya, en arrière de la plaine des Cayes, le général Fabre-Nicolas Geffrard fit élever la forteresse des Platons. Le général Magloire Ambroise fit construire le fort Ogé au morne Cap-Rouge dominant la rade et la ville de Jacmel.

Pour compléter ce réseau et assurer la protection du centre de commandement de l’Armée, Dessalines fit ériger et supervisa directement la construction de six ouvrages de guerre autour de Marchand- Dessalines, la nouvelle capitale : le fort Décidé, le fort Innocent, le fort Madame, le fort Doko et le fort Fin-du-Monde. Il compléta la défense de sa capitale par la construction du fort Culbuté au pied des mornes afin de contrôler et, surtout, protéger les sources d’eau alimentant la ville. (À suivre)

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